Les achats à leviers complexes : pas si complexes ! Interview de Sophie Carlier

Dans un contexte où les établissements de santé sont confrontés à des défis liés à la performance économique, à la transition écologique et à la qualité des soins, UniHA joue la carte de l’innovation en s’engageant dans les achats à leviers complexes.

Mais ces achats sont-ils vraiment aussi « complexes » qu’ils en ont l’air ?

Pour lever le voile sur ces nouvelles méthodes d’achats et comprendre leurs impacts, nous avons interviewé Sophie Carlier, responsable des projets d’achat européen et de transformation chez UniHA.

En quoi consistent les achats à leviers complexes ?

Les achats effectués par les établissements de santé représentent environ un tiers des dépenses hospitalières. Face aux défis actuels du système de santé, notamment la nécessité de réduire les coûts tout en maintenant la qualité des soins, la fonction achat évolue pour se positionner comme un apporteur de solutions. Elle doit ainsi s’orienter vers la création de valeur en intégrant l’innovation, l’optimisation des coûts, ainsi que les résultats cliniques ou rapportés par le patient au cœur des décisions d’achat.

C’est tout l’objectif des achats à leviers complexes, théorisés au sein du programme PHARE 1 de la DGOS 2. Ils reposent sur des approches novatrices, comme le Value-Based Procurement (VBP) ou achats basés sur la valeur. Cette méthode d’achat introduit un changement de paradigme car elle consiste à acheter un résultat (de soin ou d’une prestation) mesuré en vie réelle, contrairement aux techniques d’achats transactionnelles consistant à acheter un produit ou un service et négocier un prix en fonction d’un volume. Elles impliquent également un partage de risques entre les parties prenantes (fournisseur et acheteur).

En plus du Value-Based Procurement, les achats à leviers complexes incluent également d’autres méthodes d’achat, telles que, par exemple, les achats d’innovation et les achats durables.

Quels sont les projets emblématiques réalisés par UniHA grâce à cette approche ?

Depuis 2017, nous avons conduit plusieurs projets d’achats à leviers complexes, tels que la récupération améliorée après chirurgie (RAAC), les solutions de réchauffement patient, les solutions d’éclairage ou encore les anti-infectieux jugés critiques, chaque solution s’appuyant sur des leviers différents.

Lancé en 2017, le marché de la récupération améliorée après chirurgie constitue le premier marché d’UniHA fondé sur une approche d’achat par la valeur. Ce marché vise à réduire la durée moyenne des séjours à l’hôpital grâce à un ensemble de mesures permettant une récupération plus rapide de l’autonomie et des capacités physiques du patient. Il s’agit d’un

marché élaboré selon un modèle économique innovant et introduisant un partage des risques entre les parties.

Le marché de réchauffement patient est le second marché d’UniHA s’appuyant sur le levier de l’achat par la valeur. Lancé en 2018, ce marché propose des solutions permettant d’éviter une chute de la température du patient pendant l’anesthésie en le maintenant à une température au-delà de 36°C en périopératoire. Ce dispositif évite les complications telles que des infections ou des troubles cardiaques, coûteuses pour le système de santé.

Le marché des solutions d’éclairage repose sur une démarche d’achat innovante et responsable. Elaboré en collaboration avec le CHU de Bordeaux et la Banque des Territoires, il vise à soutenir les hôpitaux dans leur transition énergétique. Ce marché permet aux établissements de santé de financer l’installation d’éclairages durables grâce aux économies d’énergies réalisées. Lors de son renouvellement en 2021, ce marché a fait l’objet d’un partenariat d’innovation couvrant les phases de conception, développement et acquisition de la solution.

Un autre exemple concerne le marché des anti-infectieux jugés critiques. Ce marché, attribué fin de 2023, prévoit comme conditions d’exécution des actions de réduction de l’empreinte carbone par le fournisseur. Les premiers résultats montrent des évolutions telles que l’utilisation de solvants moins carbonés et l’optimisation du transport.

Quels projets d’achats à leviers complexes préparez-vous pour l’avenir ?

Forts de ces premières expériences, nous préparons actuellement d’autres marchés s’appuyant sur les achats à leviers complexes. Ces projets se fondent sur les techniques du Value-Based Procurement, sur des solutions matures comme innovantes. Ils nécessitent de collaborer avec des partenaires clés, tels que les cliniciens, les sociétés savantes, les Directions de Recherche et Innovation des hôpitaux, les payeurs, ainsi que des institutions nationales (CNAM3) et européennes (EIT Health).

À titre d’exemple, nous travaillons sur des projets ambitieux, notamment :

  • L’utilisation du Value-Based Procurement dans le domaine de la chirurgie orthopédique à un niveau européen avec EIT Health.
  • Le développement d’un outil d’aide à la prescription d’actes de biologie par l’intelligence artificielle en milieu hospitalier en collaboration avec le CHU de Limoges.
  • Enfin, nous étudions l’opportunité de proposer à nos adhérents hospitaliers une solution « d’achat d’un parcours de soin » destiné aux patientes atteintes d’endométriose. Cette initiative viserait à offrir différents parcours adaptés, couvrant les étapes de prévention, de diagnostic et de prise en charge, en fonction des situations cliniques spécifiques de chaque patiente. Cette solution pourrait également s’inscrire dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre l’endométriose.

Définition

1 PHARE : Performance hospitalière pour des achats responsables
2 DGOS : Direction générale de l’offre de soins
3 CNAM : Caisse nationale de l’assurance maladie

 


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